fragilités
Eh bien nous y voilà, aurore a eu 17 ans. On lui a offert des livres.
Bien que confinés, on lui a donnée l'autorisation ce jour-là de voir son petit ami. C'est un gars normal, qui semble équilibré. Ils sont tous deux férus d'écologie.
La seule chose que j'ai toujours souhaité pour aurore, c'est qu'elle ne me ressemble pas psychologiquement. Qu'elle mène une vie saine. Elle en prend le bon chemin.
Avec ses cheveux bleu et rose, elle nous fait marrer :-)
Mon homme a été voir le médecin : il a un souci d hypertension. Il est le seul à se démener depuis des mois à travailler pour nous éviter un gouffre financier, cela l'a stressé. Du coup je me suis inscrit à pole emploi. ça ne m'enchante pas du tout mais on a besoin momentanément d'une allocation, on n'a pas envie de ne plus pouvoir payer notre loyer.
Je n'achète plus rien depuis des mois, hormis des courses alimentaires.
J'ai l impression que le covid sonne le glas de ma carrière.
A presque 40 ans, on est jugé trop vieux pour rester danseur, on doit se reconvertir ou en chorégraphe ou en prof de danse. Avec les écoles fermées, je ne risque pas d'enseigner et chorégraphe est compromis. En tant que danseur pro, je peux continuer le spectacle, mais c'est à nos risques et périls. Je ne dirige pas (par choix) une grosse troupe, mais deux danseurs ont attrapé le covid, ainsi qu'un musicien. Cela plombe le reste. Pourquoi répéter en salle si le spectacle ne peut pas etre représenté à cause du couvre-feu ? Vais-je quand meme me produire dans des théâtres privés ? Est-ce que je vais de nouveau louer une salle alors que le spectacle est terminé et qu'il vaut mieux répeter directement sur scène ?
Autant de questions qui m'angoissent et me fragilisent.
Je m'occupe de mon cher et tendre mari pour qu'il ne se stresse pas inutilement. Petit dejeuner au lit, bisous dans le cou, douceur sexuelle, massages relaxants, tisanes bienfaisantes.
Depuis quelque temps, j'ai des reminiscences de mon enfance. Des instants simples, positifs. Très brefs, toujours les mêmes. Je me revois en train de lire quand j'avais 12 ou 13 ans. A cette époque, lire était pour moi un refuge, un abri qui me permettait d'occulter la réalité néfaste qui m'entourait. Je me revois à 17 ans quand je m'essayais à la peinture. C'était pour moi un moment où je me sentais libre d'etre créatif, d'etre moi meme. Je me sentais en paix avec moi. Je me voyais un avenir. J'avais le sourire quand je peignais.
J'en ai parlé avec mon homme. Comme il est psy pour enfants, il a l habitude de reconnaitre les traumatismes quand ils ressurgissent. C'est apparemment mon "enfant intérieur" qui refait surface pour faire la paix avec moi. C'est une obsession, ces souvenirs reviennent en boucle dans ma tete et sous forme d'émotions. ça ne dure pas plus de quelques secondes, mais c'est très prenant. Selon mon merveilleux chéri, c'est mon désir de retrouver mon identité réelle qui se manifeste. Je pense qu'il a tout à fait raison. J'ai perdu mon Moi en chemin il y a bien longtemps.
Quitte à etre confiné et fragilisé, autant retrouver mon identité profonde, loin des apparences. Du coup j'étudie le texte d'éthique juive "alé chour" du rav wolbe, un livre qui aborde la connaissance de soi.