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8 août 2022

Guillaume

Je rêve régulièrement de ce gars. Pourtant, cela fait bien longtemps que nous avons perdu le contact. Dans mes rêves, il est comme dans mes souvenirs, il n'a pas veilli.
Nous nous sommes connus à la sorbonne. Il avait un côté gentleman, toujours bien habillé, il parlait posément, était très intéressant, il lisait énormémement. Il nous arrivait de nous asseoir sur les marches du "perron" de la cour pavée, et de discuter pendant deux heures d'affilée. On fumait clope sur clope, on riait beaucoup. Puis on filait dans un bar continuer notre discussion. Je le trouvais adorable. J'avais bien deviné que je lui plaisais, il y avait souvent de l'excitation dans son regard quand je le fixais dans les yeux. Je ne le provoquais pas, nous étions amis. Et comme de son côté il n'a pas osé me faire d'avance ou faire le moindre geste , par galanterie je suppose, on en est restés là. Puis un jour, il a commencé à merder.


Il m'avait invité à un spectacle de soral. Comme un con, j'ignorais qui c'était, j'avais accepté l'invitation. Mais je me suis dessisté quand j'ai su que soral était un type d'extrême droite qui utilisait le théâtre comme propagande. Guillaume avait été élevé par sa grand-mère, ses parents étaient trop égoistes pour l'aimer. Son père était kabyle, mais guillaume semblait renier son origine orientale, il voulait "être plus français que les français". Il prenait de la drogue, beaucoup. Du speed, de la coke, de l'héroine, du lsd, de l'ecta...Il a failli être viré du logement étudiant tant il foutait le bordel. Il ne savait même pas cuisiner un oeuf au plat. Il est complètement parti dans ses délires, il avait des attitudes maniaques, il ne supportait pas de déplacer une bouteille d'eau à tel endroit par exemple. Il a été hospitalisé, il pensait avoir un cancer.Comme il n'avait pas de mutuelle étudiante, il a dû payer 3000 euros. Il devenait aussi créationniste.


Un jour, on s'était donnés rendez-vous, mais comme à l'époque j'étais du genre vélléitaire, je posais souvent des lapins. Je ne suis pas venu au rdv avec guillaume, il a complètement psychoté, il a été voir les flics en disant que j'avais été kidnappé. Une autre fois, j'ai reçu de lui un email aberrant où il me disait qu'il s'était enfui d'un hôpital psychiatrique, qu'il voulait venir me voir pour jouer au tennis avec moi.
Guillaume, c'est le genre de gars qui a mal fini à cause de la drogue dure. Il est devenu un "légume". Mes amis de fac étaient tous ainsi. On se droguait beaucoup. Je ne fréquentais que des parias.


Si je rêve souvent de lui, c'est probablement parce qu'il me manque. Il était le seul à prendre de me nouvelles. On avait été ensemble à un concert de marylin manson. Il me plaisait bien. C'était un homosexuel refoulé, qui n'assumait pas ses attirances sexuelles ni ses origines ethniques. En plus, il était antisémite, il a fini par devenir néo-nazi. Le jour où j'ai appris qu'il mattait des vidéos sur internet représentant des juifs squelettiques dans les camps de concentration pour "le plaisir", j'ai manqué de perdre connaissance. Heureusement qu'il y avait eu un pilier derrière moi, sinon j'aurais défailli. En rentrant chez moi, j'ai pleuré.


Souvent, ma soeur m'a dit et repété que mes "amis" de l'époque n'étaient que des paumés. C'était vrai. Des paumés, et malgré tout des gens vrais. Des gens avec qui je pouvais discuter, éclater de rire. Mais ils ont descendu la pente raide vers l'enfer. Tandis que moi j'ai survécu à la drogue dure. Je suis parti vivre au québec pour fuir cette zone de paris, mais au fil des ans je me suis rendu compte que je n'arrive pas me voir comme quelqu'un de bien. D'ailleurs, les gens "bien" ne m'aiment pas, je ne suis jamais assez intéressant ni assez cultivé, ni assez poli, ni assez sérieux ni assez pertinent ni assez respectueux pour eux . J'ai essayé de modifier mon comportement, devenir un mec bien, responsable et tout le tralala. Mais une part de moi est toujours restée paria, zonard. Je n'étais pas comme ça quand j'étais enfant, j'étais sérieux, gentil, serviable, obéissant. Mais maintenant j'ai docteur jekyll et mister hyde en moi. Un côté qui picole, qui aimerait reprendre de la coke s'il en trouvait, et en même temps un côté qui voudrait rentrer dans les rangs pour être respecté.


Je crois dans le fond que ces parias me manquent cruellement. Je me sentais libre avec eux, ils ne me jugeaient pas, parce qu'ils savaient quelle peine ça faisait d'être sans cesse montrés du doigt par les autres.
ça veut dire quoi être quelqu'un de bien, normal ? Je me vois toujours comme le vilain petit canard, celui qui ne sera jamais qu'un type boiteux et souffreteux. Comme cet étudiant qui s'est enfoncé une pique dans le pied au cimetière du père lachaise, la nuit, parce qu'il marchait pieds nus sur le sol complètement défoncé au lsd. Comme ce type qui marchait la nuit dans les rues de paris, rencontrant des prostitués qui l'abordaient, défoncé tous les jours au canabis, les dents jaunes pourries. Comme guillaume. Est-ce la psychiatrie qui m'attend ?

 

 

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