J'ai écouté une émission qui m'a troublé. Il était question de la dignité de l'homme dans le cadre du christianisme. Nous sommes à l'image de Dieu, notre dignité ne réside donc pas en ce que nous faisons mais dans notre nature. L'intervenante a ensuite abordé la question transgenre. ça fait sérieusement polémique depuis quelque temps, il y a des tempêtes d'opinions sur les réseaux sociaux. Soit on est contre, soit on est pour. Pour ma part, si j'ai décidé de ne pas aller à la gay pride ou de faire partie d'une asso trans, ou encore de participer aux "débats" sur les réseaux sociaux, c'est parce que je vois ma transidentité comme une chose privée. Je ne peux pas nier qu'elle existe. Plus les années passent, plus elle est forte. Il y a plusieurs degrés dans la transidentité. Très souvent, on ne remarque que les cas extrêmes comme les filles de 15 ans qui se font retirer les seins et les ovaires, ce qui évidemment provoque de très très gros dégâts de santé par la suite. Dans mon cas, je vis ma transidentité au sein de mon couple. Oui, je me sens femme dans un corps d'homme. Mais n'est-ce pas là le propre de l'homosexualité masculine ? Pour moi, être gay, c'est confondre les genres. Avant tout cet ouragan médiatique autour de la question trans, tout le monde savait que les homosexuels étaient souvent éffeminés. Il suffit de regarder le film "la cage aux folles". Pour en revenir à l'émission, l'intervenante disait que nous vivons aujourd'hui dans une société gnostique qui cherche absolument à se séparer du corps pour idéaliser l'esprit comme une nouvelle idole. On sacrifie notre corps, on oublie qu'il y a une unité entre le corps et l'âme. Nous voulons créer notre propre corps, comme si nous étions Dieu. Elle a fait mention de jacques maritain, un ancien athée qui voulait se suicider parce qu'il a grandi dans le vide et qui un jour s'est converti au christianisme. Il est devenu un chrétien qui a développé une philosophie humaniste, probablement assez proche de Lévinas (c'est moi qui fait la comparaison).
Le fait de proclamer depuis plusieurs décénnies que nous décidons de nos vies, décidons de nos corps est à double tranchant. Si les femmes ont choisi de légaliser l'avortement, c'est parce qu'avant elles mouraient des avortements illégaux. Si les homosexuels ont voulu pouvoir se marier et adopter des enfants, c'est pour ne plus être considérés comme des pervers criminels. Si l'euthanasie est revendiqué comme un droit, c'est pour pouvoir mourir dans la dignité. Mais il est vrai qu'aujourd'hui revendiquer la mutilation coporelle par des gosses de 14 ans sans l'accord des parents, c'est extrêmiste.
Ce qui personnellement me fait de la peine, c'est que je ne peux parler de ma transidentité avec personne. Sauf avec mon mari qui est psychologue et a parfois pour patients des ados malheureux à cause de leur identité non binaire. Le problème de la transidentité, c'est qu'on n'est jamais en paix avec soi. On cherche tellement à se renouveler qu'on n'arrive plus à vivre avec soi-même. D'où l'automutilation sur le corps pour se punir de ce qu'on est et n'est pas. Certains amerindiens voient la transidentité, non comme une tare psychiatrique, mais comme une ancienne vie qui refait surface à l'esprit. C'est beau. Pour eux, je suis un homme qui a été femme dans une autre vie et qui dont le corps a des souvenirs. Ce qui me sidère dans tous ces "débats" sur la qustion trans, c'est que c'est un sujet extrêmement complexe, et beaucoup de gens ignorants s'en emparent simplement pour déverser leur haine. C'est un sujet Humain, avant tout. On ne peut pas réduire cette question à "je suis pour" ou "je suis contre", ça demande de la compassion pour comprendre les enjeux personnels qui en découlent. Moi-même étant chrétien, j'ai du mal à accepter cette transidentité. C'est une division en soi-même, en son corps, en son esprit, on est détesté par tout le monde, rejeté comme un moins-que-rien, c'est difficile, très difficle, de se voir comme quelqu'un et non comme un objet. Récemment, je me suis coupé moi-même les cheveux. J'étais si fier de mes longs cheveux dans le dos, et pourtant je les ai coupés à l'arrache, à la barbare. Le lendemain, j'ai cruellement regretté. Puis j'ai réfléchi à la raison qui m'a poussé à faire ça, complètement ivre de surcroît. Je crois que j'ai eu profondément honte de ma féminité, j'ai coupé ce qui faisait ma fierté de transgenre. Quand on est rejeté du jour au lendemain, comme une merde, par quelqu'un en qui on croyait pouvoir confier certaines choses, c'est comme un deuil. Comme une mort. Une faute, une punition. Alors on se punit en coupant, en arrachant ce qui m'était si cher : ma feminité. Pour combler ce vide, à la fois physique et intérieur, je me tourne vers la religion. C'est la seule chose qui me fait du bien en ce moment. Cela aussi , on me le reproche. Quand on vous traite de fou, on finit par le croire. Je voudrais tellement pouvoir accepter mon corps d"homme et mon esprit de femme, retrouver mon unité. Dans l'émission, l'intervenante a parlé de la théologie de l'homme comme moyen de se guérir de tous ces égarements existentiels. Le message c'est "La notion théologique de l'homme « créé à l'image de Dieu » implique l'égalité entre les humains : il ne peut y avoir des humains plus dignes que d'autres".