J'ai lu ce livre en une journée. Pas compliqué, vu qu'il fait 135 pages. Pourtant, ce court récit est un témoignage fort qui, parfois, m'a mis les larmes aux yeux.
Ce sont les souvenirs de l'auteure, aujourd'hui âgée d'environ 80 ans, de la première rafle du vel d'hiv en 1942, à ménilmontant dans le 20e arrondissement de paris. Elle y relate ses souvenirs, raconte l'antisémitisme avec ses yeux de l'époque, son regard d'enfant. Cette femme milite aujourd'hui pour la mémoire de la shoah. Elle pose des plaques commémoratives dans les écoles, va témoigner auprès des jeunes générations. Ce récit devrait être lu par tous les adolescents afin qu'ils n'oublient pas , car le négationnisme fait de gros dégâts dans la tête des jeunes depuis quelque temps, surtout via internet.
Je me souviens d'une survivante qui était venue témoigner dans ma classe, j'étais en seconde. La plupart des élèves avaient écouté attentivement, seuls trois cons avaient decrété que la shoah était "un détail de l'histoire" sans importance.
J'entends dire parfois qu'il faut arrêter de remuer le passé, qu'il faut laisser les crimes de la shoah au placard car c'est trop de souffrances. Mais il faut aussi ne pas oublier ce qui s'est passé, tant pour les juifs que les résistants. Bien des fois, je me suis dit : "et si ça se reproduisait, comment est-ce que les gens réagiraient aujourd'hui, eux qui préférènt trainer sur le web toute la journée au lieu de parler avec leurs enfants ?" Car ce qui ressort du récit de rachel, c'est la force qu'elle a eue grâce à l'amour de sa famille. D'ailleurs, quand elle raconte pudiquement comment sa mère lui a dit de partir pour qu'elle reste en vie, j'ai eu les larmes aux yeux.
Ce livre fait remonter une partie de mon histoire. Je suis juif du côté maternel et non-juif du côté paternel. Ma mère a toujours été profondément athée, bien qu'élevée dans la religion chrétienne (qu'elle a reniée). Elle fait partie des séfarades d'italie, maranes. Mes grands-parents étaient résistants. Mes grands-parents paternels, eux, étaient hélas collabos. Je me suis toujours senti profondément écartelé entre ces deux extrêmes familiaux, comme si mon héritage génétique était brouillé, confus. Bien des fois, je me suis demandé si ma judéité se voyait sur ma tête. Je me suis souvent posé cette question pour tenter de comprendre, voire justifier, la haine sans raison que beaucoup de gens m'ont porté. Comme si j'avais en moi quelque chose qui dérangeait. Quelque chose dont je ne suis pas responsable. D'ailleurs, je n'ai appris ma judéité qu'à l'âge de 19 ans. C'est à ce moment que j'ai compris pourquoi ma mère me détestait tant : je lui rappelais, tant physiquement que mentalement, sa propre judéité qu'elle rejette. Ce n'est que quand j'ai rencontré la communauté loubavitch à montréal que j'ai commencé à me sentir juif. Pour moi, être juif consiste à pratiquer la religion juive, pas juste à manger du chnitsel (repas achkénaze) et de la dafina (repas séfarade). Quand j'allais à chabbat à la synagogue, souvent des hommes m'adressaient la parole comme s'ils me connaissaient, j'en étais étonné. Un jour j'en ai appris la raison : je ressemblais comme deux gouttes d'eau à un jeune homme 'habad. Je l'ai rencontré par hasard, on a stoppé net et on s'est regardés. On se ressemblait presque comme des jumeaux, ça nous a fait très bizarre. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience de mon aspect juif, ce qui auparavant n'avait eu aucune importance pour moi.
Bref, tout ça pour dire que ce récit est un témoignage fort, vital, pudique et sans misérabilisme, qui devrait être lu par les jeunes afin de lutter contre l'ignorance qui est le plat favori des tyrans.
"Dans chaque existence, il y a un souvenir noué. Une souffrance intense, que le temps a essayé de consoler, d'attendrir et puis de masquer. (...) C'est ce qu'on fait quand on souffre trop. On mue, on se transforme. On abandonne un moi au passé pour en façonner un autre. On renaît pour survivre".
"Comment allaient réagir les autres ? Mes camarades de classe ? Et les gens dans la rue, allaient-ils me regarder autrement ? Je redoutais qu'on ne me voie plus comme rachel, la petite fille qui parle aussi bien que les grands, ou comme rachel, la petite fille qui rougit quand on lui donne des bonbons. Allais-je simplement devenir rachel la juive ? Je garde de ce jour une terrible sensation de honte. Pas d'être juive, mais de devoir l'être avant toutes choses que j'étais, et d'en être différente des autres."