Ma fille trouve que je fais ma crise de la quarantaine. Probablement, oui. Quarante ans, c'est l'âge des bilans. Et les miens ne sont pas fameux.
Depuis l'an dernier, je m'éloigne considérablement des lgbt. Aujourd'hui, j'en suis au point de ne plus supporter de voir des photos de mecs ensemble, sauf s'il s'agit de tendresse. Mais les images choc, provocatrices, me font l'effet d'un heurt. Je détourne les yeux car ça me rend malade. Cela a de quoi surprendre, moi qui ai passé plus de 20 ans à me définir comme gay provocateur. Alors, qu'est-ce qui se passe en ce moment ?
Difficile de faire réellement le point, de trouver les termes exacts pour décrire ce que je ressens. C'est en réalité un amalgame de situations qui fait qu'aujourd'hui, à 39 ans, je rejette la communauté lgbt.
Ces derniers temps, mon moral est descendu un peu plus chaque mois, au point de toucher le fond ce mois-ci. ça ne va un peu mieux que depuis la saint-valentin.
Fin janvier, je suis allé boulevard magenta afin de voir une personne pour mon spectacle de danse. Ce quartier est assez pouilleux. Je ne sais pas comment je me suis démené, mais après mon rendez-vous je me suis perdu dans le coin des prostituées. Impossible de retrouver la route du métro, c'était peut-être dû à ma migraine. Je fais une fois, deux fois, trois fois le tour comme un con. Puis j'entends quelqu'un me parler. Je me retourne. Un type baragouine quelque chose que je ne comprends pas bien, il a un accent. Mais en quelques secondes, je finis par comprendre : il veut que je monte chez lui. Il regarde fixement mon cul, avidement même, trépigne comme un chien en rut quand il me dit "j'habite là, viens, viens chez moi" puis il redirige ses regards de vicelard sur mes fesses. J'ignore s'il était une pute ou s'il me prenait pour une pute. Je me suis tiré, mais j'ai gardé toute la journée la sensation d'être sali. Quand je suis rentré chez moi, je suis allé droit au dressing
et me suis regardé dans la grande glace pendant un quart d'heure pour voir ce qui avait pu susciter chez ce taré tant d'envies juste en me voyant dans la rue. Ma bouche charnue qu'on imagine anus? Mes yeux verts où on y lit de la provocation sexuelle ? Qu'est-ce qu'il a mon cul de si spécial ? Parce que je n'ai pas le cul flasque, parce que j'ai un cul de danseur ? Ensuite je me suis douché. Douché, lavé du regard de l'autre. C'est le regard des autres, salissant, humiliant, qui m'a rendu maniaque.
Ce genre de rencontres gays, j'en ai vécues toute ma vie des semblables.
Je n'en parle plus car on me prend pour un menteur, genre " ce gars, il est tellement narcissique , il se croit tellement beau qu'il croit que tout le monde veut le baiser". Sans m'en rendre compte sur le moment, j'ai fait ce que toutes les victimes de viol font : j'ai culpabilisé. Au lieu de me dire que ce gars était un gros pervers, je me suis naturellement dit que c'était de ma faute. La faute au jean moulant que je portais ? La faute au manteau en peau retournée qui m'arrivait à la taille et laissait voir la forme ronde de mon cul ?
Quand j'étais très jeune, je ne savais pas dire non. Et à ce genre de gars, je disais oui. Pas parce que j'en avais envie, mais parce que j'avais peur de leurs réactions. Cela me vient de ma mère, quand elle me frappait, elle a distillé en moi cette peur horrible qui me figeait, qui paralysait mon kit de survie. Alors on me baisait dans la rue, comme un chien, comme une pute.
Cette rencontre fin janvier fut le catalyseur d'une dépression nerveuse qui me pendait au nez depuis les confinements. Je sentais mon moral s'enfoncer chaque mois un peu plus, notamment à cause de déceptions-trahisons sentimentales, mais je me relevais. Puis j'ai commencé à pleurer de plus en plus souvent, à voir ma phobie sociale s'accentuer, à picoler de trop pour oublier(sans succès), à penser tous les jours au suicide. Je ne réussissais à me lever que pour continuer en visio le spectacle de danse. L'ambiance était un peu tendue à la maison, la classe de ma fille était fermée à cause du covid, elle était donc ici à suivre ses cours sur tablette, mon homme donnait ses séances de psychologue sur ordinateur. Pour ne pas être un poids, je me suis replié dans ma coquille, dans mon coin. Je me suis isolé, principalement dans la chambre, à lire, manger une connerie de temps en temps, choyer ma miss conneries qui a eu quatre morsures à l'arrière-train et à la queue suite à une bagarre. Je m'allongeais, je regardais le plafond, je me souvenais, je réfléchissais et je pleurais. J'ai réalisé alors que les gens m'avaient tué. Que fréquenter la communauté lgbt a été la plus grosse erreur de ma vie, parce qu'elle m'a poussé à paraître ce que je ne suis pas, ce que je n'ai jamais été, qu'elle a généré en moi énormément de détresse. J'ai toujours voulu être quelqu'un de bien, quelqu'un de sérieux, un intello. J'ai une licence en
philosophie, mais tout le monde s'en fiche. Je lis beaucoup, mais on s'en fout. J'aime visiter les musées, les châteaux, aller à des conférences, des expositions, mais on s'en fiche. On s'en fiche parce que ce alex là est solitaire, pas très marrant. Moins marrant en tout cas que le alex gay à moitié pute qui se shootait pour sembler cool aux autres. Moins drôle que le alex non binaire avec ses fringues de nana.
Ce alex-là, je n'en veux plus jamais. Il me fait trop honte. Ce alex-là est un faux moi qui ne m'a apporté que de graves problèmes.
Que sont mes derniers souvenirs de la gay pride ? Un gars qui danse sur un abribus, en montrant bien en évidence au public son cul dans son pantalon moulant; une nana sur le char qui retire son t-shirt, laisse voir les seins nus, des gamines lesbiennes qui hurlent de désir sexuel refoulé en la mattant; 5 gars d'environ 18-20 ans qui font semblant de faire une orgie en disant à voix haute : "on s'encule, et on s'encule !!"; deux nanas hyper agressives qui m'ont à moitié insulté parce que j'ai osé leur demander où étaient les drapeaux arc-en-ciel. Les drapeaux arc-en-ciel, parlons-en, tiens, pas de quoi être fier. Les couleurs ne renvoient à aucune fierté mais à ce qu'il y a de plus pervers, de plus écoeurant : dans les années 70 ans, des bandanas de différentes couleurs (noir, rouge, jaune, bleu....) étaient portés par des gays qui spéficiaient chacun leur trip sexuel : telle couleur pour les scatos (ceux qui aiment les excréments), telle couleur pour les uros (ceux qui aiment l'urine), telle couleur pour les SM (ceux qui aiment se faire frapper), telle couleur pour ceux qui cherchent juste de la sodomie, telle couleur pour ceux qui voulaient juste du sexe oral... Et nous, on porte ce drapeau multicolore en parlant de "marche des FIERTES" ??? Mais où est la fierté?!
J'en suis à un point aujourd'hui, je ne suppporte plus qu'un mec me touche, me regarde, me parle, autrement que s'il s'agit d'un contact purement professionnel. Le seul
gay à quoi j'autorise tout ça, c'est mon mari. Lui non plus n'a jamais aimé la communauté lgbt, il s'est aussi rendu compte de tout le mal (involontaire) qu'elle produit chez les jeunes homosexuels. On nous incite à prendre du poppers, c'est presque un rite d'initiation, cette drogue qui dilate l'anus afin de se faire sodomiser à fond comme dans un film porno. C'est ça, se sentir fier d'etre gay ? ...
J'ai écrit deux livres sur l'homophobie, je ne suis donc pas contre l'homosexualité. Mais la communauté lgbt ne veut pas entendre parler des viols de mecs perpétrés par des gays, le dénoncer est pour elle une façon de renforcer l'homophobie. Or c'est une réalité. Et une réalité d'autant plus douloureuse qu'elle n'est écoutée par personne. J'ai regardé des associations gays sur internet, mais aucune ne dénonce les violences entre gays.J'aurais aimé tenir d'autres propos moins sinistres sur les lgbt, mais je ne peux pas faire comme si je n'avais pas fait de mauvaises rencontres. La seule personne qui m'empêche de sombrer définitivement dans le cynisme, c'est mon homme. Lui pour qui sa bisexualité n'a jamais été un souci, lui dont la mère a été sexologue, n'a jamais été aussi vulgaire que bien des gays que j'ai rencontrés !
Le jour de la saint-valentin, j'ai beaucoup pleuré. J'ai éclaté en sanglots dans ses bras tellement je culpabilisais de l'avoir trompé aussi souvent. J'ai réalisé que le couple libre est une vraie connerie, au même titre que la communauté lgbt est une illusion pour s'épanouir individuellement. On m'a toujours poussé à collectionner les amants. On me disait : "regarde comme tu es canon, tu ne vas pas gâcher ton corps d'éphèbe avec un seul mec !" Et moi, je suis tombé dans le panneau. L'égocentrisme m'a fait me noyer dans la mare qui me renvoyait mon reflet, comme Narcisse. J'ai perdu mon énergie et mon temps avec des mecs dont j'ai à peine le souvenir alors que j'avais le bonheur chez moi, dans mon couple. Je m'en veux terriblement. Matthew est la seule personne qui me respecte comme je suis, il ne m'a jamais forcé à paraître plus pute que je ne le suis en réalité. Et aujourd'hui, je comprends que je ne peux pas vivre sans lui. S'il venait à mourir, je serai incapable de survivre à son absence. Avoir pleuré, et pleuré, dans ses bras le jour de la saint-valentin, m'a fait du bien. J'avais besoin de le toucher, qu'il me touche, je me suis senti vivant entre ses bras. Il est bien le seul à savoir me redonner le sourire.
J'aimerais tellement dire qu'il y a des valeurs homosexuelles, mais j'ai bien peur de me tromper. Les gays ne parlent que de cul : sucer, enculer. On dirait des putes, je ne veux plus être associé à eux. Je ne veux même plus qu'on me parle d'homosexualité. Je veux redevenir l'homme que j'aurais dû être si je n'avais jamais mis les pieds dans cette foutue et illusoire communauté. Puis aussi, j'ai beaucoup de mal à oublier cette relation destructrice que j'ai eue pendant deux ans avec un trans. Il a profondément bafoué ma confiance, sali la notion d'amitié. J'ai naivement cru que c'était une bonne personne, je ne le jugeais pas du tout sur sa transidentité. Et un jour j'ai compris la triste réalité de son comportement bizarre : il s'est servi de moi pour obtenir son changement d'état civil. Tout le temps qu'a duré la démarche administrative, il a fait semblant de m'apprécier, d'être mon ami, voire d'être amoureux de moi. J'y ai cru. J'ai envoyé mon témoignage au tribunal de justice, ce qui a pesé lourd dans son dossier et la décision judiciaire. Dès que la réponse a été positive, il a cessé le contact avec moi du jour au lendemain. Il n'avait plus besoin de moi. Il m'a complètement manipulé, il me faisait croire qu'il avait besoin de tendresse, d'humanité alors qu'en fait ce type est totalement sado-maso, qu'il se faisait tatouer le corps parce que l'aiguille l'excitait.. La fois où on a couché ensemble, on avait pas mal bu. Il m'a dit au lit : "vas-y, fais-moi mal". Je lui avais parlé des viols que j'avais endurés, il prétendait avoir de la compassion alors qu'en réalité ce que je lui racontais le faisait fantasmer. Il me demandait des détails sur ce qui s'était passé. Je suis écoeuré. Quand j'ai appris cet automne qu'il s'était fait agresser dans la rue par deux ados, je n'ai pas cillé. Lui aussi fait partie de ces salopards qui m'ont éloigné des lgbt. C'est bien triste à dire, mais je pense qu'il est représentatif des lgbt : violent, faux, pervers, prétentieux.
La seule chose qui m'aide à reprendre goût au quotidien, c'est qu'aurore soit venu me voir pour me dire qu'elle m'aimait et que j'étais un père pour elle. Je l'ai prise dans mes bras, embrassée sur les cheveux et j'ai pleuré. De joie,cette fois-ci. Je pense que mon homme a dû lui dire que je me sentais très mal, qu'aurore devait être plus gentille avec moi, mais son geste n'était pas emprunté ni superficiel. Merci ma aurore. ça ne doit pas être facile tous les jours pour elle de vivre avec deux pères...
humeur : triste