Je t'aime kirk

 Un livre avec lequel j'ai une histoire toute particulière. Il a été publié en 1999 en italie, en 2001 en france. J'en avais entendu parler, parce que j'étais fan d'asia argento. Mais ce n'est que 20 ans plus tard que j'ai osé lire ce texte.C'est son journal intime, s'étalant sur les années 80 et 90. Il faut le lire comme des brides de souvenirs, des pans de vie, des scènes tragico-comiques bourrées d'humour enfantin. Naiveté et détresse. Poésie désespérée. Beaucoup d'ironie.

Ce livre, contrairement à son résumé, ne parle pas d'amour, mais de solitude. Asia y parle de la mort de sa soeur anna, des amants qui la lâchent, sa jeunesse bouffée par son boulot d'actrice. Le ton est parfois rude, crû mais aussi empreint d'une grande humanité. A mes yeux, c'est une perle rare. Mais il faut connaitre la vie d'asia argento pour bien comprendre ses écrits. Certains textes sont écrits en 1998. Or, c'est à ce moment qu'elle a été violée par weinstein. Elle en est devenue agoraphobe. Aujourd'hui, ses mots s'éclairent, même si à l'époque de la publication elle seule en savait le sens réel. Puis aussi, "je t'aime kirk" a inspiré plusieurs scènes de son film "scarlet diva". Un film que j'ai d'ailleurs revu dernièrement. Un film qui, il y a 20 ans, m'a sauvé du suicide après ma première agression sexuelle. Plusieurs fois sur twitter, en 2018, j'ai remercié asia argento pour son film. Elle se souvenait de moi et de la lettre que je lui avais donnée un jour, il y a 15 ans. Elle aimait mes mots, j'aimais les siens. Elle m'a remercié. Que je l'ai aimée, cette femme.

J'ai lu le livre en une journée.
Rêves loufoques, textes inspirés du cinéma italien, souvenirs, il y a un côté délirant à ce charmant charabia. Comme une sorte de coup de vent rafraîchissant, de tornade allègre et amère. Ce que j'ai aimé, c'est sa liberté de ton qu'aujourd'hui on ne trouve plus parce que les romanciers veulent des ventes et pas mettre à nu leur humanité. Elle a eu ce courage.

Comme pour "debout", j'ai surligné des phrases qui m'ont marqué, dans lesquelles je me suis intimement reconnu :

"Dans mes yeux se réfléchissent les nuages épars des années 90 : un peu d'ironie, un peu de poésie, un peu d'amour, un peu d'horreur."

"Il est douloureux de se souvenir, mais essayer d'oublier fait plus mal encore."

"J'essaie de recoller les morceaux mais je les ai perdus et cette 'stupeur enchantée' n'est que l'arrière-goût de ma vie amère d'aujourd'hui."

"Sans tes mains, je n'ai pas de mémoire, je me sens précipitée dans le vide."

"Je pleurais sur mon sort, sans raison apparente, vomissant une angoisse murée en moi-même depuis trop longtemps."

"Il y a des gens qui naissent avec l'étiquette 'baisé' sur le front, il n'y a pas grand-chose à faire, ça ne sert à rien de se rebeller, ce serait comme si un ennuque essayait de baiser avec un vibromasseur."

"Pour elle, l'amour était tout. Tout avait à voir avec l'amour dans sa vie confuse. Cet amour volé. Cet amour si ancien, nié."

"En fait, la solitude était ce qu'elle avait toujours recherché. Tous les rapports humains ne faisaient que confirmer sa marginalité innée".

En italie, pays machiste où le féminisme est très mal vu, asia argento est depuis toujours jugée comme une démone, "la femme noire", une sorcière à cause de ses moeurs libres. Entre mes 18 et 21 ans, j'étais exactement comme elle, le même ressenti de détresse. Suis-je différent aujourd'hui ?

ps : elle vient juste de sortir son autobiographie : anatomia di un cuore selvaggio. J'ai hâte de le lire !