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ma vie et moi
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30 novembre 2022

40 ans

 Le rabbi de loubavitch a dit que fêter son anniversaire était l'occasion de faire le bilan de sa vie, pour voir si on était sur le bon chemin. Pour lui, c'est une introspection, une prise de conscience. J'adhère à cet état d'esprit. Hélas, c'est aux antipodes de ce qu'on a l'habitude de faire pendant un "annif" : voir des potes, picoler, s'amuser, recevoir des tas de cadeaux. Moi, j'ai toujours vécu mes anniversaires comme des drames. Des parents qui n'avaient rien à me dire, des cadeaux impersonnels, des amis qui ne venaient pas. Je me sentais un peu comme le personnage de science fiction lex luthor, très seul, personne ne venait à ses anniversaires, un père qui ne lui manifestait aucun amour. Ces dernières années, mon mari m'a fêté dignement mes anniversaires, qui étaient très sympathiques. Mieux que sympas, c'étaient des moments personnels, ce que je n'avais jamais connu dans ma jeunesse.

Cette année, je vais avoir 40 ans. Un tournant dans une vie, semble-il. La jeunesse est derrière moi, ce n'est pas encore le moment de la veillesse : on appelle cela la maturité. Qu'ai-je à en dire ? Que je ne souhaite pas fêter mon anniversaire, cette fois-ci. J'ai comme l'envie irraisonnée de me fuir, me cacher, me terrer dans mon coin, n'être vu de personne. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, mais récemment je me suis à nouveau scarifié le bras. Je n'ai pas de douleur particulière, pas comme avant où mon bras était vraiment ankylosé, handicapé pendant une journée. Malgré mes tentatives pour cacher la plaie, mon mari s'en est aperçu. Je l'ai rarement vu pleurer, mais là il l'a fait. ça m'a bouleversé. Je me suis excusé, lui ai promis de ne plus recommencer. Pendant une heure, il m'a passé un savon, il m'a dit : "et après ce sera quoi ? Une tentative de suicide ?" Il s'était mis dans la tête qu'il n'avait pas réussi à me rendre heureux, alors qu'il est la seule et unique personne à me rendre heureux. Seulement parfois, je me dis que je n'arrive pas en profondeur à me sentir bien.

Quand je n'ai pas de soucis particuliers, une part de moi-même reste dans la noirceur. Je me suis scarifié sans raison apparente, j'avais juste bu du vin. Cela faisait vingt ans que je ne l'avais plus fait. Il y a de multiples raisons plus ou moins conscientes qui peuvent me pousser à cet acte, je ne saurais reconnaître laquelle. Peut-être une forme de lassitude, ou la peur de l'avenir, ou encore la haine de moi. Le dégoût. Je l'ignore.

Mon mari s'est tant inquiété pour moi que le lendemain il s'est mis en télétravail pour rester près de moi. Je ne cherche pas à me défendre de cet acte, j'ai eu tort de le faire, mais le pire c'est que je l'ai commis sans ressentir de chagrin violent. Comme si c'était normal de me donner ces coups de ciseaux. Quand je le fais, c'est exactement comme quand je me faisais vomir, le même dégoût de moi-même, le même tourment intérieur qui ne s'extirpe de moi que par quelque chose qui sort (du sang, du vomi).Mon mari aimerait que je suive une psychothérapie pendant un temps, un de ses collègues est prêt à me recevoir. Il pense que je devrais parler de mes parents, de cette rupture familiale avec eux qui me mine, de leurs propos qui traînent encore dans ma tête, comme des fantômes errants. De toutes ces 40 ans d'existence, je peux dire j'ai du mal à vivre. D'ailleurs, j'étais certain de mourir bien avant, du sida ou du suicide. Me scarifier est peut-être une façon d'exprimer une culpabilité enracinée en moi depuis très longtemps. J'ai commencé à me couper le bras à 18 ans, après le viol. Consciemment, je ne savais pas pourquoi je le faisais, je ressentais juste du mépris envers moi. Ce n'est que bien des années plus tard que j'ai enfin admis la raison qui me poussait à me faire mal. Cela ne finira-t-il donc jamais ? Est-ce un cercle vicieux ?

Je n'ai aucune envie qu'on me souhaite hypocritement un "bon anniversaire" qui va me laisser de marbre. L'âge n'est peut-être qu'un numéro, mais j'ai dans les yeux bien plus que 40 ans. J'ai perdu cet éclat dans le regard. Des souvenirs trop lourds à porter. Envie d'oublier. Me taire.

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