En surfant sur des sites gothiques, je suis tombé sur ces piercings de langue en forme de virus :
La première fois que j'en ai vus, c'était il y a 20 ans. Aujourd'hui, c'est banalisé, mais à l'époque c'était franchement provocateur ! C'était une pote de fac lesbienne qui adorait provoquer son petit monde. Physiquement, elle avait tout de la lesbienne masculine. Elle parlait ouvertement de cul. Tout le temps. A chaque fois que je la voyais, hop ! elle nous relatait ses frasques avec sa dernière nana en date ! Du genre : "c'est pratique le piercing à la langue pour lécher des chattes, mais on croit que j'ai le sida ..." Elle soûlait les autres, moi elle me faisait marrer ! Un jour, je l'ai prise à part et je lui ai dit : "dis-moi, tu fais quoi à tes nanas ?" Là, elle a été gênée, elle n'a pas su quoi me dire à part "ben... c'est personnel".
Je pense à cette anecdote parce qu'elle révélatrice de ma propre personnalité que beaucoup de gens ne comprennent pas. Je provoque, mais dans le fond je suis pudique.
J'ai un caractère mi-ange mi démon. Un jour, je revendique la pudeur avec un chapelet et un air de saint ; peu après, je fais un plaidoyer pour l'impudeur la plus totale, avec un look de vampire.
Les gens ne m'aiment pas. Non, je n'ai pas le syndrome de persécution, je le sais simplement depuis longtemps. Il faut dire que j'en joue souvent , aussi. Je ne me suis jamais réellement senti à ma place nulle part. J'ai rencontré des personnes ouvertes d'esprit qui m'ont dit : "bah, un jour on t'acceptera comme tu es". Or la vérité, c'est que NON on ne m'accepte pas, j'en fais les frais encore aujourd'hui.
Parfois, dans des moments de lassitude ou de détresse, je tente de me plier aux exigences des autres, comme si les autres avaient forcément raison de me mépriser. Mais à d'autres moments, la colère prend le dessus et mon message corporel est le suivant : "je-vous-em-merde-euh". Eh oui. Il y a des gens qui s'imaginent que je suis quelqu'un de très gentil. Ok, j'ai un côté gentil, serviable, sérieux. Mais j'ai aussi un autre côté cynique, agressif, colérique et hargneux , extrême gauche, je m'en foutiste.
J'ai essayé de concilier ces deux aspects antinomiques de ma personnalité mais rien n'y fait. Jamais. Si je tente de rééquilibrer mes deux facettes, il y a forcément un moment où l'une prend le dessus sur l'autre. C'est, je pense, une forme de shizophrénie. Cela a commencé à l'âge de 15 ans, suite au tramastisme familial et scolaire. Des parents qui, non contents de s'engueuler entre eux, s'en prenaient à moi verbalement et physiquement ; des élèves à l'école qui m'excluaient totalement, et me harcelaient jusqu'à ce que j'éclate en sanglots et quitte précipitamment la classe.
Même si cela remonte à 25 ans, je garde ancré en moi ce moment. Quand j'y songe, je ne peux jamais en rire, ou en sourire. Ce fut une période charnière de mon existence, elle m'a complètement changé. Aujourd'hui encore, je m'en sers quand j'écris mes romans. Elle est à la base de beaucoup de mes réactions.
Ma fille, qui a 18 ans (bientôt 19 !) se dit punk depuis ses 12 ans. Elle adore marylin manson, les chaussures compensées, les legging avec têtes de mort, le maquillage excentrique et les couleurs capillaires bleu-rose-vert-mauve. Mais être punk, ce n'est pas qu'un look. C'est tout un état d'esprit, une attitude. Aujourd'hui, on trouve une tonne de gamins punks ou gothiques qui s'affichent sur instagram par provocation. Mais la vraie provocation punk, la mentalité punk originelle consiste à rejeter la mode, le neuf, le bourgeois. Il ne suffit pas de traîner dans la rue avec un sweet à capuches et un jogging pour se dire vrai rebelle. Pour les punks, c'est pareil : être punk, ou être gothique, c'est une détresse. Les vrais punks aiment la nuit, pas pour y foutre le bordel en hurlant mais pour se sentir libérés des chaînes.
Bien des gens me trouvaient très beau, jadis. Le genre éphèbe qui se laisse faire, façon "Monsieur vénus". Mais ce que les gens ignorent, ou refusent de voir peut-être, c'est que je suis punk depuis très longtemps. C'est la colère, la peur et le désespoir qui m'ont rendu punk. Si, à 12 ans, je déchirais moi-même mes jeans avec un couteau, ce n'était pas pour me donner un genre, mais pour afficher ouvertement ma colère. Si je montais à l'arrière d'une mobylette, sans aucune attache, pendant que le conducteur roulait vite, c'était pour me sentir libéré de ces entraves qui m'étouffaient totalement. C'étaient les années 90, une période de perdition et de liberté. Aujourd'hui, je suis encore punk dans ma manière d'être. J'ai toujours été trop franc, trop direct au goût des autres. Récemment encore, on m'a encore fait chier avec ça. Evidemment, c'était moi le vilain petit canard qui est forcément en tort, le pauvre gars qui n'a rien dans le crâne hein !!
J'ignore si les gens sont inconséquents ou vicieux, mais accuser quelqu'un à tort est dévastateur sur sa personnalité.
Je me souviens d'une photographe qui, dans les années 80, s'était fait remarquer par une image provoc pour l'époque : on la voyait assise près de la cuvette ouverte des chiottes ,jambes devant elle, l'air paumé. Cette femme avait été violée par son père à 16 ans, et cela avait profondément altéré sa vision de femme et d'artiste. Elle ne voulait pas être belle ; au contraire, elle montrait la laideur, la saleté, parce qu'elle se sentait sale à l'intérieur d'elle-même. C'est typiquement le véritable état d'esprit punk : montrer ce qui dérange.
Parfois, j'aimerais réagir comme mes arrivistes de parents, bourgeois, faux et contents d'eux mêmes. Mais moi, je ne peux pas faire semblant. Je crache à la gueule de ceux qui n'ont aucun respect pour moi, et tant pis si je passe (encore !) pour le vilain petit canard con comme son cul, indésirable partout. Je leur dis MERDE. Même si ça me condamne à la solitude forcée.
En danse classique, on m'a toujours appris à garder le sourire, à être docile, à toujours paraître beau. J'ai choqué tout ce petit monde élitiste quand, à 21 ans, je me suis fait des piercings au sourcil, au nez et à la joue. On me disait : "mais tu te défigures à vie !!!" Ben ouais, peut-être, mais j'en avais assez de ces simagrées, cette fausseté au sujet de mon apparence.
Oui, je provoque, de la même manière que cette fille à la langue percée évoquée plus haut. Avant, je faisais peur. Aujourd'hui, à 40 ans, on trouve ça naze, on me dit : "arrête de réagir comme un gamin de 20 ans ! "Sauf que je ne m'amuse pas être immature, je suis juste moi avec le caractère bien trempé que je me paye. Quand j'essaye de mettre des formes sur mes propos, ça finit toujours par m'énerver et ça part en vrille peu après parce que je ne peux pas m'empêcher d'être direct.
C'est bizarre parce que, j'ai en effet un côté sérieux, simple ; un autre riche de son homosexualité, effeminé voire trans, pudique ; encore un autre clairement impudique, désagréable et qui s'en tape complètement. Dans le fond, est-ce que j'ai vraiment envie de réunir ces trois facettes de ma personnalité ? Je ne sais pas. Peut-être pas. Parce que ces trois aspects de moi, c'est moi justement. Et je n'ai aucune envie de ressembler aux voisins pour plaire sur les réseaux sociaux (ou ailleurs).
On m'avait dit que la terre se porterait bien sans moi,
Que mes lassitudes ne regardaient que moi.
On m'avait dit que j'étais fou,
Qu'un homme ne s'habille pas en femme, un point c'est tout.
On m'avait dit que je ne serai jamais aimé,
Que trop extrêmes étaient mes désirs de volupté.
J'avais le verbe haut, arrogant
Comme un lendemain ombrageux et violent ;
J'avais abandonné mon château de cartes puéril,
Si frêle dans sa sensualité de pacotille.
On m'avait dit que j'avais tort de caresser,
Que les autres avaient raison de me mépriser.
Si douces étaient mes rêveries délirantes,
Un refuge qui abritait des pensées palpitantes.
Si terrible était mon reflet qui ne renvoyait pas mon image,
Mais celle d'un mirage.
On m'avait dit que le viol d'homme n'existait pas,
Que mes cris étaient des ricanements, des faux-pas.
On m'avait dit que parce que j'avais des couilles,
Je ne devais pas dire "ouille".
On m'avait dit de garder le silence
Sur ce coeur qui jamais ne se panse.
Des blessures devenues sacrifiées
Par les scarifications de mon corps mortifié.
Je me suis dit :
"Que je sois puni
De ces fautes que je porte en moi."
J'ai endossé le rôle de celui qui ne sait pas.
On m'avait dit que j'étais vicieux,
Que mes sanglots n'atteindraient jamais les cieux.
On m'avait dit que ma bouche était trop souillée
De ces jets d'argent , goulûment aspirés.
On m'avait dit qu'à quarante ans, je n'irai pas jusque-là ;
Que mon âme n'avait plus sa place ici-bas,
Que mes lèvres ne déversaient plus de délices
Mais des voiles de chagrin au goût amer de pisse ;
Que je devais trouver mon héroine :
Je l'ai trouvée dans la cocaine.
On m'avait dit que je ne valais rien,
Qu'effacés bientôt seraient mes lendemains.
J'ai eu tort de les croire,
Aujourd'hui, je ne suis plus ce cygne noir.
(extrait du livre "la destinée du cygne noir")